Rite Romain
Vème Dimanche du Temps Ordinaire –Année B – 4 février 2024
Jb 7, 1-4. 6-7 ; Ps 146 ; 1 Cor 9,16-19.22-23 ; Mc 1,29-39
Rite Ambrosien
Os 6, 1-6 ; Ps 50 ; Gal 2, 19-3, 7 ; Lc 7, 36-50
Avant dernier Dimanche après l’Epiphanie, dimanche « de la divine miséricorde »
1) Annoncer, guérir et prier
Dans l’Evangile de ce dimanche aussi, nous voyons que le Christ chemine sur les routes de Galilée, accompagné des quatre premiers apôtres qu’il a appelés : Pierre et André, Jean et Jacques. Plus que d’un chemin, nous pourrions parler d’un pèlerinage de Dieu qui s’est fait homme, qui est venu sur cette terre pour mener l’homme au ciel. Le chemin diffère du vagabondage en ce sens qu’il a une destination, le pèlerinage diffère du chemin car sa destination est un sanctuaire qui est la Maison de Dieu.
Dans la première scène de l’Evangile d’aujourd’hui, nous voyons que Jésus entre « pèlerin » dans la maison de famille de Pierre, et nous savons que chaque maison de famille est une Eglise domestique. Dans cette maison, nous trouvons aussi la belle-mère de Pierre qui est au lit, gravement malade. Le Messie la prend par la main, la guérit, et la fait lever.
Dans la deuxième scène de cet Evangile, Saint Marc nous montre qu’ils amènent en pèlerinage chez le Christ tous les malades de Capharnaüm, éprouvés dans le corps, dans la psyché et dans l’esprit, et « Il guérit beaucoup de gens … et il expulsa beaucoup de démons » (Mc 1, 34).
Cette activité du christ est un signe évident que l’évangélisation est une promotion[1] humaine. L’Evangile est une annonce qui guérit et sauve. Les quatre évangélistes sont tous d’accord sur cette affirmation et ils attestent que la libération des maladies et des infirmités les plus variées fut, avec la prédication, l’activité principale de Jésus dans sa vie publique. En effet, les maladies sont un signe de l’action du Mal dans le monde et dans l’homme, alors que les guérisons démontrent que le Règne de Dieu, et Dieu-même, sont proches. Jésus-Christ est venu pour vaincre le Mal à ses racines, et les guérisons sont une anticipation de sa victoire, obtenue par Sa Mort et par Sa Résurrection. Enfin, le Christ annonce le Royaume de Dieu en parlant avec autorité et en guérissant l’homme pour lui rendre sa liberté de fils.
Il faut cependant avoir à l’esprit que si l’évangélisation est partage de la Parole qui se fait chair et qui prend soin de l’homme dans sa totalité, et de chaque homme parce que la charité de Dieu n’a pas de barrières, la prière est l’âme de cet apostolat, tant il est vrai que ces deux scènes dont parle Saint Marc, sont cloisonnées entre deux moments de prière : celui dans la synagogue (v. l’Evangile de dimanche dernier), et celui dans un lieu solitaire, la nuit, avant que le soleil ne se lève (v. l’Evangile d’aujourd’hui). « Il est beaucoup plus fécond de parler à Dieu des hommes qu’il ne l’est de parler aux hommes de Dieu » (Saint Catherine de Sienne). Nous aussi nous allons avec Jésus dans l’ermitage de notre cœur, de la même manière que le Christ « se rendit dans un endroit désert » pour prier. Par la prière, nous devenons pèlerins de l’Absolu avec Jésus, et la prière incessante qui est illuminée par l’aurore de Pâques, est le ventre d’où nait chaque mission.
Sans cette prière, chacun de nous se trompera sur le temps d’action et les paroles à dire. Il s’agit en réalité de se lever (en grec, l’Evangile utilise le verbe qui veut dire ressusciter), c'est-à-dire ressusciter avec le Christ chaque jour quand il fait encore noir pour le monde. Pour que Dieu nous donne cette grâce de nous lever avec et vers lui, répétons souvent cet hymne[2] :
«A la première lumière du jour
Vêtues de lumière et de silence
Les choses se réveillent de l’obscurité
Comme il était au début du monde
Et nous qui veillons dans la nuit,
Attentifs à la foi du monde,
Tournés vers le retour du Christ,
Nous regardons maintenant vers la lumière
O Christ splendeur du Père,
Très vive lumière divine,
En toi nous nous vêtons d’espérance
Nous vivons de joie et d’amour.
Nous chantons la louange au Père,
Au Fils qui est lumière de lumière
Et gloire au Saint Esprit
Qui est source éternelle de lumière. Amen ».
2) L’Evangile de l’espérance
Chaque nuit prépare un nouveau jour. Avec l’espérance dans le cœur que le lendemain sera meilleur, nous acceptons courageusement chaque épreuve de la vie. Mais l’hymne susmentionné nous enseigne quelque chose de plus. Il nous dit de nous habiller d’espérance dans le Christ, en vivant le baptême que nous avons reçu.
Par ce sacrement Jésus, nous donne des vêtements qui ne sont pas une chose extérieure. Cela signifie que nous entrons dans une Communion existentielle avec Lui. Cela veut dire que son être et le nôtre confluent, se co-pénètrent réciproquement : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi » (Gal 2,20), Saint Paul décrit ainsi l’événement de son baptême. Le Christ a porté nos vêtements : la douleur et la joie d’être homme, la faim, la soif, la fatigue, les espoirs et les déceptions, la peur de la mort, toutes nos angoisses jusqu’à la mort. Et Il nous a donné ses « vêtements ». Les vêtements de l’amour, en lesquels nous sommes appelés à croire.
Croire en l’amour c’est en vivre.
Si ensuite quelqu’un me demandait comment vivre d’amour, je proposerais d’accueillir comme réponse cette prière de Sainte Thérèse de l’enfant Jésus :
« Vivre d’Amour, c’est te garder Toi-Même
Verbe incréé, Parole de mon Dieu,
Ah ! tu le sais, Divin Jésus, je t’aime
L’Esprit d’Amour m’embrase de son feu
C’est en t’aimant que j’attire le Père
Mon faible cœur le garde sans retour.
O Trinité ! vous êtes Prisonnière
De mon Amour !…
Vivre d’Amour, c’est vivre de ta vie,
Roi glorieux, délice des élus.
Tu vis pour moi, caché dans une hostie
Je veux pour toi me cacher,ô Jésus !
A des amants, il faut la solitude
Un cœur à cœur qui dure nuit et jour
Ton seul regard fait ma béatitude
Je vis d’Amour !…
Vivre d’Amour, ce n’est pas sur la terre
Fixer sa tente au sommet du Thabor.
Avec Jésus, c’est gravir le Calvaire,
C’est regarder la Croix comme un trésor !…
Au Ciel je dois vivre de jouissance
Alors l’épreuve aura fui pour toujours
Mais exilée je veux dans la souffrance
Vivre d’Amour.
…
Vivre d’Amour, lorsque Jésus sommeille
C’est le repos sur les flots orageux
Oh ! ne crains pas, Seigneur, que je t’éveille
J’attends en paix le rivage des cieux…
La Foi bientôt déchirera son voile
Mon Espérance est de te voir un jour
La Charité enfle et pousse ma voile
Je vis d’Amour !… »
(Saint Thérèse de l’Enfant Jésus, docteur de l’Eglise, Œuvres – Février 1897).
Croire dans l’amour demande de devenir porteurs d’espérance.
Comment ? en regardant la Croix et en aidant les autres à la regarder pour qu’ils trouvent aussi dans le Christ “celui qui nous a aimés en premier et m’aime. Jésus nous aime et nous lave dans le Sang qui est feu. Regardons le Christ Amour infini l’Amour, Amour qui donne l’Amour” (Clemente Rebora, prêtre et poète italien, 1885 – 1957).
L’amour vit dans le cœur et nous ouvre à l’espérance. Si avoir foi dans l’amour signifie croire que l’amour est la chose la plus importante, mettre l’espérance dans l’amour signifie :
- Choisir de bâtir la vie sur l’amour
- Croire que nous sommes effectivement sauvés par l’amour et que cet amour reste éternel
- Croire que l’amour que Dieu a pour nous est plus fort que tout le mal qui peut nous toucher
- Croire que nous pouvons vivre d’amour et que l’amour peut nous suffire.
3) Les vierges consacrées témoins de l’espérance
Pour témoigner l’espérance que Jésus est ressuscité, que cette espérance a pleine citoyenneté dans le monde, certaines femmes se consacrent virginalement au Christ. De quelle manière les vierges consacrées témoignent-elles de l’espérance dans l’histoire et dans la vie quotidienne ? En disant par leur vie quotidienne de consacrées les grandes œuvres du Seigneur, dans le sillon du Magnificat.
Par leur travail dans le monde et leur prière virginale, elles deviennent lumières qui irradient dans le monde l’espérance portée par le Christ. Ou, encore mieux, elles irradient le Christ qui est notre espérance et celle du monde entier, comme nous l’enseigne Saint Augustin : « Que le Seigneur soit ton espérance ; n’espère pas quelque chose de Ton Dieu le Seigneur mais que ton Seigneur-même soit ton espérance. Plusieurs espèrent de Dieu quelque chose en dehors de lui-même. Mais toi, tu cherches Dieu-même… Il sera ton amour ». L’Evêque d’Hippone poursuit : « Quel est donc l’objet de notre espérance ? Est-ce la terre ? Non. Quelque chose qui vient de la terre, tel l’or, l’argent, l’arbre, la moisson, l’eau ? Aucune de ces choses. Quelque chose qui volerait dans l’espace ? L’âme le repousse. Serait-ce peut-être le ciel si beau et paré d’astres lumineux ? Parmi toutes ces choses visibles, qu’y a-t-il de plus délicieux, de plus beau ? Non, ce n’est pas cela non plus. Qu’est-ce que c’est ? Ces choses qui te plaisent, elles sont belles, elles sont bonnes : recherche celui qui les a faites, c’est lui ton espérance… Dis-lui : Tu es mon espérance ».
Lecture patristique
Saint Pierre Chrysologue (fin IV siècle - 450)
Sermon 18, 1-3
CCL 24, 107-108.
Ceux qui ont écouté attentivement l'évangile de ce jour savent pour quelle raison le Seigneur du ciel est entré dans d'humbles demeures terrestres. Puisqu'il est venu par bonté secourir tous les hommes, il n'est pas étonnant qu'il ait bien voulu porter ses pas en tous lieux.
Etant venu dans la maison de Pierre, Jésus vit sa belle-mère alitée, avec de la fièvre (Mt 8,14). Voyez quel motif a conduit le Christ chez Pierre: nullement le désir de se mettre à table, mais la faiblesse de la malade; non le besoin de prendre un repas, mais l'occasion d'opérer une guérison. Il voulait exercer sa divine puissance, et non prendre part à un banquet avec des hommes. Ce n'était pas du vin qu'on versait chez Pierre, mais des larmes. <>
Aussi le Christ n'est-il pas entré dans cette maison pour prendre sa nourriture, mais pour restaurer la vie. Dieu est à la recherche des hommes, non des choses humaines. Il veut leur donner les biens célestes, il ne désire pas trouver les biens terrestres. Le Christ est donc venu ici-bas pour nous prendre avec lui, il n'est pas venu chercher ce que nous possédons.
Etant venu dans la maison de Pierre, Jésus vit sa belle-mère alitée, avec de la fièvre. Dès qu'il fut entré chez Pierre, le Christ vit ce pour quoi il était venu. L'aspect de la maison ne retint pas ses regards, ni la multitude venue à sa rencontre, ni l'hommage de ceux qui le saluaient, ni la famille qui le pressait. Il ne jeta même pas un coup d'oeil sur les dispositions prises pour le recevoir, mais il écouta les gémissements de la malade et porta son attention à la fièvre qui la consumait. Il vit qu'elle était dans un état désespéré, et aussitôt il étendit les mains pour qu'elles accomplissent leur oeuvre divine. Et le Christ ne prit pas place à la table des hommes avant que la femme ne se lève de sa couche pour louer Dieu.
Il lui prit la main, dit l'évangile, et la fièvre la quitta (Mt 8,15). Voyez comment la fièvre quitte celle que le Christ tient par la main. La maladie ne résiste pas devant l'auteur du salut. Il n'y a pas de place pour la mort, là où est entré le Prince de la vie.
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